Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 19 janvier 2008

Exposition Grandes Surfaces



jeudi 17 janvier chacun aura eu pour tâche d'écrire à partir de l'exposition GRANDES SURFACES inaugurée la veille. Certains auront suivi les visites conférences de David Liaudet, commissaire de cette exposition. Quelques-uns auront écrit devant les œuvres, d'autres préférant revenir à la salle habituelle dont la "polyvalence" semble propice à la concentration nécessaire pour nos travaux d'écriture.

GRANDES SURFACES


Estelle Kongo-Bacary

Il fait noir, plus un bruit. J’entends le souffle de mon ami.
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8. Des flashs m’apparaissent.
Je sens sa main qui se crispe et mes craintes s’accentuer.

Nous sommes dans le noir, toutefois je le crois.

Tétraèdre, cube, sphères, ligne. Est-ce un trouble de ma perception,
une fantaisie de mon imagination ?

Sa main se délie, j’ai les mains moites. C’est de ma faute.
Est-ce qu’il m’en veut ?

Je ne me rappelle plus comment nous sommes arrivés ici.
Je marche sans trop savoir où je vais.
Je ne l’ai pas attendu. Et puis depuis combien de temps sommes-nous là ?

Une silhouette, c’est lui ! Me voila rassurée.
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8. Encore ces flashs dans ma tête.
Des battements, des bourdonnements.
« La lumière blanche », je n’en crois pas un mot.

Il fait noir, plus un bruit. Je ne suis pas seule… toutefois je le crois.

Emma Bourgin

Perdues au milieu de cette foule criarde et chancelante,
Deux formes dansent, c'est la ligne et son ombre.
Malades et puériles mais rouillées elles contournent l'abîme "Opéra"
Déséquilibre, couleurs et rigueur les cernent et tentent de mettre fin à ce macabre rituel
Tournez, tournez, tournez, jamais ne cessez,
C'est au rythme de ce vacarme que vous les consumerez.

Thomas Dussaix

Et Serra engendra Turrell

Je l'imagine tomber, sans aucune raison mais je suis là. Je vois le début de la chute inexorable vers le sol.
Je le photographie ou la dessine ou la peint. Ce bloc d'acier, cette sculpture au milieu de la place, ce menhir moderne,
géométrique, en plein contre-jour. Mais n'ai-je pas le temps de tourner ma tête pour changer de feuille ou
de toile ou recharger mon appareil photo que je ne vois pas mais entends le vacarme créé par le contact de
la stèle sur le sol. Il a percé le toit d'un parking ou détruit le Velux d'une maison mais a fait sauter les plombs.
Je réussis à m'introduire à l'intérieur de l'édifice troué, je vois alors le trou béant qui laisse passer cette douche
de lumière. La poussière créée par l'impact vole, saturant l'air, la respiration et la vue. Il y a alors du grain sur mon dessin
ou du crachat sur ma peinture ou la poussière volatile apparaît sur ma photographie. Je n'ai pas réussi à avoir l'instant précis
du choc, seulement l'avant et l'après.
Le bloc créa la lumière, Serra engendra Turrell.

Delphine Romain

" J'ai pas vraiment d'idées. Je flotte complètement, les yeux dans le vague. J'erre dans la salle. Mes yeux sont ouverts mais je ne vois rien. ça m'agace. Je trouve pas, je tourne, je cherche. Je vois rien. Rien du tout. Ca commence à m'énerver d'ailleurs. A côté de moi, l'autre elle a l'air inspirée. Elle, elle voit tout.
Je suis assise, complètement perdue au milieu des couleurs et de ces gens. Ils n'ont pas l'air très sympas d'ailleurs ceux-là! Ils me regardent bizarrement, j'ai l'impression. Peut-être parce que je suis assise... Je ne devrais peut-être pas m'asseoir. C'est sûrement impoli en fait. Je devrais plutôt les regarder en face. Droit dans les yeux ou alors ne pas les regarder du tout. Au final c'est peut-être moi qui les regarde bizarrement.
Je me suis mise debout mais non, ça n'a rien changé. Ils font toujours des sales tronches. Mon regard est attiré par un chat. En tout cas ça y ressemble. Ils ne sont pas très amicaux avec lui le pauvre. J'ai même l'impression qu'ils lui font du mal. Je peux rien y faire de toute façon ! Les autres ils ne voient rien du tout.
Qu'est ce qu'il y a comme monde tout à coup ! J'étouffe! Quelque chose attire mon regard à terre. On dirait des espèces de cônes plantés dans le sol assez violemment disposés en cercle autour d'une sorte de chose tubulaire... Etrange comme sculpture...
Eh mais ! Quelquechose a failli me frapper de plein fouet. Qu'est ce qu'il y a comme volatiles ici ! C'est une véritable volière ! Euh... y a pas quelqu'un qui peut fermer la fenêtre si'l vous plaît ? Vous laissez rentrer les oiseaux à chapeaux !! merci. Et puis eux-là, on dirait qu'ils se foutent de moi ! Ils en ont rien à faire en réalité !
Je regarde par la fenêtre les animaux virevolter dans tous les sens et manger les fruits des arbres. C'est marrant comme "ils" ont une certaine élégance. ça doit être le chapeau haut de forme. Oui c'est ça. tout de suite le chapeau, ça fait plus classe. j'aurais dû y penser ! Ah tiens ! Un autre chat... Qui sort de l'eau ? bon. Oh, attention le chat !! Mais c'est que ça sait se défendre ces oiseaux-là ! Mais ils l'attaquent ?! Je frappe à la fenêtre pour éloigner les bestioles à chapeaux. Rien à faire, ils s'acharnent. Quelle violence ! Tous ces cris, toutes ces couleurs qui s'affolent dans tous les sens ! Prétentieuses créatures qui font tout ce cirque juste pour attirer l'attention. C'est vrai que dans la salle, je n'ai vu qu'eux. Je les ai trouvés tellement répugnants. Non... j'ai beau les regarder, j'ai vraiment du mal à apprécier ces drôles d'oiseaux..."

Cécile Laporte

La lumière apparaît entre les branches. Dans les gris clairs et blancs du fond du tableau. Un entrelacs de fil lacère, griffe alors le noir profond à quelques mètres. La rivière se déroule, fonçant droit sur elle mais se fige à quelques pas.
Quelque chose l'attire au fond, derrière les premières branches. Là-bas, l'air est comme du coton. En beaucoup plus froid.
Les barrières se dressent. La grande main squelettique s'avance. Le sens de tous ces mouvements lui échappe.
L'air est froid.
Un air glacial lui givre les membres et tout se perd dans les ombres.
Elle doit y aller. Ici le noir envahit tout.
De petites taches plus claires ponctuent le chemin.
Elle avance la main. Le froid s'insinue alors dans sa manche.
Tout autour la noirceur se presse.
Vers le centre elle s'éclaircit. L'endroit le plus clair lui est caché. Et elle ne peut l'atteindre.
Les grandes ombres figées empêchent le passage. Elle ne peut pas savoir. Elle essaye quand même mais reste bloquée au même endroit.
Dans le noir.
La lumière reste inaccessible.

Simon Breton à partir d'une œuvre d'Elke Krystufek

Elke Krystufek "the Good thing about globalisation"

Les bons et les mauvais côtés de la globalisation

C'est le bon côté de la globalisation, une silhouette de femme. Ce que je veux dire, que le bon côté de la globalisation, c'est qu'une silhouette de femme ça globalise vachement bien. En tout cas, ça donne envie de globaliser.
Par exemple, un exemple :
- Holà guapa ! Vous marinez chez vos harengs ? Ça vous dirait qu'on globalise avec votre silhouette autour d'un café ?
- Que và globaliser ! Qu'elle me répond, moi ce qui m'intéresse c'est le sexe, le cul, la bite, les nichons, la chatte... et j'aime quand ça fait trembler le sol.
Bon.
Alors ça, par exemple, c'était un mauvais exemple, enfin, disons qu'on peut pas non plus globaliser à tort et à travers. Et c'est là que je pose la question mes chers confrères, mes chères consœurs et mes chers cons-tout-court :
Peut-on tout globaliser ?
Pour répondre à cette épineuse question et ainsi éviter les réponses aussi capillotractées que cérébro-onaniques, faisons une petite expérience. Prenez une exposition d'art contemporain et donnez-lui un nom global, par exemple : « GRANDES SURFACES »
Rendez-vous, seul ou entre amis, à cette exposition. Qu'y voyez-vous ? Non pas UNE exposition mais DES oeuvres.
Incredible, but true.
Je vais donc répondre comme Pierre Desproges l'a fait avec le rire et comme Bergson aurait pu le faire au sujet du rire également :
« On peut tout globaliser, mais pas avec n'importe qui. »
Cependant, la silhouette de femme en tant qu'élément globalisateur d'une exposition dont elle est elle-même un élément intrinsèque à celle-ci rend les éléments confus si nous cherchons à globaliser les propos. En revanche, cette même silhouette utilisée en métaphore d'une ville ou d'un pays que l'on cherche à globaliser par le biais de la personnification possède une charge émotionnelle extrêmement riche pour peu qu'on lui cherche une signification métaphysique :
Aucune ville n'est une silhouette
Aucune silhouette n'est une femme
Aucune femme n'est un homme
Aucun homme n'est une île.
... et l'homme mouille son slip
... car l'homme est un continent
Quand tu frappes ton frère, c'est le Tibet qui brûle.
Ça, c'est le mauvais côté de la civilisation, hein guapa ?
- Que và la civilisation, je croyais qu'on parlait de globalisation ?
- que và toi-même guapa ! Le lapsus m'habite... et peut-être que le sol va trembler. D'ailleurs, globalement, la civilisation est à nos portes, à force de globalisation on va s'aristophaniser et finir comme un gros globe avec tout dedans et rien autour. Et comme disait l'autre: va pas demander pour qui sonne le glas, car le glas sonne toujours deux fois.

Agnès Calu

Le problème après avoir poncé huit plaques de bois en biseau sur l’énorme machine de Jean-Claude, c’est qu’on est tout ramolli du corps et de la tête. Bref je me suis méchamment brimée en m’imposant cette règle : rester au premier, ne surtout pas monter ou descendre les escaliers.

L’œuvre qui retient le plus mon attention, bien que pas la plus visible, est une gravure rouge, marron, et noire avec des dessins blancs. Je me souviens avoir regardé la tête blanche qui est dans le bas à droite, un visage à la fois fantomatique, innocent et un peu animal. Un autre problème se profile, Jimmy s’est posté devant cette tête et il a l’air de penser que je le fixe. Je ne souhaite pas froisser Jimmy une nouvelle fois, alors en plus d’être loin, je regarde l’œuvre de façon furtive. Si ce que je décris semble absurde une fois devant l’œuvre, il ne faudra pas m’en vouloir, je suis encore sonnée par les vibrations du cylindre ponceur et en plus Jimmy a limite intégré les motifs du tricot de son pull à l’œuvre. Il faut admettre que les couleurs collent vraiment bien. En plus, tout option design que je suis je ne voudrais pas me frotter à de mauvaises interprétations.

Enfin, mis à part quelques soucis et quelques obstacles choisis pour faire ce travail le moins bien possible et bien que je repousse d’une page mes propos sur l’œuvre, il va bien falloir que je vous parle d’autre chose que de la tête blanche en bas à droite. Bon, alors le plus évident c’est le volcan, élément central (ça me rappelle que j’ai raté de peu l’occasion d’en voir un), oui un volcan noir rocailleux avec des sillons marrons. Mais ce qui attire chaque fois mon regard c’est le rouge du ciel, je ne sais pas avec exactitude de quel rouge il s’agit, ni coquelicot, ni brique, certainement pas aussi rose que le magenta des tubes d’acrylique, plus clair. Les couleurs de ce tableau sont certes assez « japonisantes » comme le disait Alexis tout à l’heure. Oui, j’ai presque triché mais je ne suis pas descendue moi-même. Et puis par ailleurs grâce à ces discussions je sais qu’il y aurait écrit « O Guagua » en bas de l’œuvre et que l’auteur serait un certain « Marc Bruce ». Je ne sais pas si le O guagua est un cri mais ça pourrait être celui du diable qui se dessine dans les volutes de fumée noire qui s’échappent du cratère, mais pas du chien qui me semble bien trop mou pour menacer d’un tel cri. J’aimerais beaucoup vous en dire plus sur l’œuvre, mais je n’y vois pas grand-chose d’autre qu’un visage blafard et un chien, menacés par un diabolique volcan noir sous un ciel rouge ardent et des couleurs très chaudes, (dans le sens véritable où l’air semble lourd et brûlant). Là c’est sûr avec des états d’âmes pareils, Gérard Bonnaud m’aurait collé un deux sur vingt mais bon... Apparemment on a le droit d’écrire tout ce qu’on veut.

Un dernier problème qui n’en est pas un, je n’ai presque plus de place sur cette feuille, vais-je être sauvée par le gong? J’ai sûrement assez de place pour décrire le pull de Jimmy mais si ça coupe tant pis. Ce pull un peu irlandais a une base marron et des petits motifs triangulaires blancs, jaunes et rouges. Par moments même, la tête de son propriétaire est remplacée par la tête blanche et sans mauvaise blague, ça rend pas mal, pas mal du ... [hélas ce texte passionnant a été coupé suite à une panne de papier, afin de garder bonne conscience, nous en sommes restés là, aucun arbre ne mérite de finir en journal d’ado. Par ailleurs le manque de recherche et l’évidente perte de repères de l’auteur ce jour-là, ont été restaurés par une nuit de sommeil puis quelques jours plus tard, une analyse détaillée de l’exposition à laquelle appartenait l’œuvre a été offerte par le commissaire de l’exposition, graveur passionné.]

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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist