Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 31 janvier 2009

Une amie lointaine de Rose Mansion

Sous le tilleul, il y avait des creux entre les racines. On jouait avec les feuilles en état de putréfaction déjà un peu avancé. Pas avec les fraîches, parce que si on les arrachait pour en faire d'un côté des frites de l'autre des araignées, la maîtresse nous arrachait un cheveu pour qu'on voie ce qu'on avait fait subir à l'arbre.

Elle, elle avait des cheveux blonds, souples, la moitié retenue en arrière par une barrette. Je ne sais plus si ce souvenir date de ce moment ou si j'ai vu une photo d'elle de cette époque chez ses parents. Je ne sais plus si elle était déjà un garçon manqué, en tout cas, ce n'est que plus tard qu'elle a décidé qu'elle utiliserait désormais les toilettes des garçons. Il y en a bien qui goûtent les croquettes à chats. Je ne crois pas qu'on se soit balancé de cette matière brune et rance d'entre les racines. Je ne crois pas non plus qu'on aie joué à la marelle ou au bac à sable. Peut être qu'on savait déjà que tous les chats des alentours pissaient dedans. On était assises côte à côte sur les bancs de bois verni, à la patine noire. Il me semble qu'on s'est bien entendues tout de suite. Je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs. Qu'est ce qui fait qu'on s'entend bien quand on a cinq ans? On parle de quoi? Est-ce qu'on peut vraiment dire qu'on parle d'ailleurs? On discutait de quoi? La pluie et le beau temps? On s'en foutait, du moment que les creux entre les racines n'étaient pas remplis. Des allers et retours des progrès sociaux? C'était plutôt nos propres progrès qui étaient le but de nos efforts. Peut-être qu'on détestait juste les mêmes petits cons et qu'elle préférait les chocos à la vanille et moi ceux à la fraise, comme ça, pas de jalousie.
Je n'en sais rien. Je ne sais pas comment on s'est rencontré. Je ne sais pas non plus comment on s'est perdues de vue. Si je la retrouve, je tâcherai de me souvenir comment.

Marielle Pottier entre deux phrases de Didi-Huberman

extrait de L'homme qui marchait dans la couleur de Georges Didi-Huberman

« Cette fable commence avec un lieu deserté, notre personnage principal (mais peut-on appeler cela un personnage?) »
Un lieu déserté, lieu typique d'une France désormais périmée.
Un lieu, donc, en voie d'extinction.
Ils l'ont déserté.
Ils y laissaient pourtant un partie d'eux-mêmes,
liquide ou solide.
Parfois les deux (en même temps)
Ce qui était liquide, glissait le long de ses parois,
faisait des vagues ou même créait une mousse arrivé à son sol.
Eclaboussant même le donneur. Le donneur.
Il déversait toute la chaleur qu'il avait en lui. Il est désormais possible de dire que notre personnage le lui rendait bien.
Il s'imprégnait de ce qu'on lui offrait généreusement.
Le calcaire que les liquides formaient, créait des aspérités, presque monticulaire.
Le donneur pouvant être très généreux dans notre personnage, il y laissait parfois du solide.
Des solides qui formaient dans ce lieu, des dunes.
Toutes plus colorés les unes que les autres, aux parfums qui embaumaient même les alentours de notre personnage.
Ce qui causa sa perte.
Les dunes et autres monticules se trouvaient modifiés selon les paramètres et les variations atmosphériques.
« L'image n'est jamais fixe, les dunes lentement se meurent, transformées par le vent.
Et ce n'est rien d'autre que la marche alentie de ma respiration. »

Trois textes de Noël par Rose Mansion

C’était un soir de décembre, un 24, la nuit de noël, la messe de minuit, de 19 heures trente en fait (même les prêtres ont compris qu’une hostie était rarement le seul repas des communiants, surtout à Noël).
Et ce soir-là, ce fut ma dernière messe de Noël.

Mais c’est toujours quand ça commence à devenir amusant que ça s’arrête. Jusque-là, à partir du moment où ma foi a commencé à vaciller plus que la flamme d’une bougie agonisante en remerciement à St Antoine, la messe de Noël offrait une palette de divertissement plutôt limitée. Le seul moment de suspense consistait dans le gloria in excelsis deo, chanté de telle sorte que le « o » de gloria soit une succession ininterrompue de notes durant environs 7 secondes. D’où ce mystère plus insoutenable que celui de l’immaculée conception : Tiendrais-je ou non? Cette question cruciale résolue, le temps paraissait peu enclin à passer. Mais ce soir-là, le prêtre avait semble-t-il décidé de nous offrir un prêche plein d’enthousiasme. Nous étions alors en pleine affaire dite de « la vache folle ». Dans un élan d’humour qu’il ne remarqua pas lui-même, il parla du bœuf dans l’étable de Bethléem et ajouta : « Ah, il lui arrive bien des malheur à ce pauvre bœuf en ce moment. » . Quelques-uns d’entre nous commencèrent à être secoués de tremblement nerveux, bientôt suivis par le banc sur lequel nous nous trouvions. Jusqu’à ce que le prêtre ajoute :« Prions. », complétant ainsi très judicieusement le champs lexical entamé. Avec l’arrivé du prion du bœuf fou, ce fut toute la rangée qui fut contaminée par un rire diversement réprimé. Pas assez cependant pour que les vieilles du banc d’à côté ne s’abstiennent de nous lancer des regards outrés et désapprobateurs. Allez, un peu d’indulgence, c’est Noël.

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Je crois que je n’ai jamais écrit de lettre au père Noël. Quel concept absurde, d’ailleurs, ce « père Noël ». Je suis d’avis qu’il ne faut pas commencer à bercer les enfants d’illusions dès leur plus jeune âge, après ils finissent par croire en dieu… ou en les publicités. Si on arrêtait de nous laisser penser qu’il y a quelque ou quelqu’un qui peut résoudre nos problèmes et satisfaire nos désirs dans je ne sais trop quel pays lointain, on comprendrait plus vite qu’on ne peut ni tout résoudre, ni tout avoir, sans lever le petit doit.
Les lettres au père Noël sont une prière à la société de consommation, les listes de Noël, en revanche, sont une commande de client à fournisseur, les deux parties étant conscientes du fait que « c’est la crise », et que par conséquent, tout n‘arrivera pas.
Je crois que je déteste profondément le père Noël dans son image la plus admise. Un vieil homme en surcharge pondérale, en robe de chambre rouge à fourrure et au nez couperosé. En plus, il fait des cadeaux aux enfants s’ils ont été gentils, c’est malsain tout ça. J’oubliais le travail des enfants, oh pardon, des lutins. Comme quoi, plus les mensonges sont gros, mieux ils passent. S’ils sont si petits, ces travailleurs exploités, c’est que ce sont des enfants voilà tout.
Mais Noël c’est aussi de grands moments de bonheur, comme chaque année. Les clients vont-il choisir le foie gras ou le saumon? Quels sont les jouets préférés des enfants? Comment va le père Noël ? Sans oublier les crèches régionales.« Magnifique. ». Oui, merci Jean-Pierre Pernault. Les victimes du conflit proche-oriental te remercient aussi, de là où elle sont : entre l’ouverture des magasins le dimanche et la fabrication des marrons glacés. Merci Jean-Pierre. Je vois que depuis des années le père Noël s’obstine à t’offrir des œillères. Pour information, la plupart des saumons d’élevage sont gavés de saloperies qu’on retrouve ensuite dans la tranche orange vif qui orne nos assiettes, les jouets qui inondent le marché portent dans leurs plastiques et leurs peintures des composés toxiques, le père Noël n’existe pas, et s’il existe, c’est de la merde, et les crèches régionales… Ah… Les crèches régionales… Au moins ça occupe les gens, ça leur évite de penser à la réalité précédemment décrite.
Il faut voir le bon côté des choses, on se retrouve tous, avec un peu de chance on réussit à pêcher le dernier chocolat fourré au prâliné et c’est le seul moment où on peut envoyer des textos à des gens qu’on avait soigneusement oublié pendant l’année.

Ah, au fait père Noël, si tu pouvais amener des médicament contre le VIH en Afrique, ce serait chouette, arrange-toi avec dieu, ça doit pouvoir se faire.

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On a mis le sapin en retard cette année, après Noël même. En fait, rien n’a été comme d’habitude. Noël, c’était dans le sud, il n’a pas fait beau non plus, mais c’était dans le sud. Chez des amis, vraiment chaleureux, mais c’était chez eux. On a ouvert les cadeaux à côté du sapin, mais celui-là, on ne l’avait pas décoré ensemble. On a attendu qu’on soit tous là, sauf qu’on était neuf. Personne n’osait ouvrir son cadeau en premier, d’habitude on fait ça tous ensemble; les parents finissent de boire leur thé, on s’assoit par terre et on plaisante en faisant semblant d’être surpris de ce que l’on reçoit. Chez les autres on fait ça vite, plus vite en tout cas.
Mais quand j’y pense, ça n’est pas si grave, c’était Noël quand même, et je n’aime pas moins les gens quand je suis dans le sud.

Contrainte officielle, contrainte officieuse de Rose Mansion

Contrainte officielle : Prendre un mot sur cinq dans le texte ci-joint et écrire une phrase avec chaque pour écrire un texte.
Contrainte officieuse : Cesser de s'ennuyer.


Elle avait une valeur universelle. Ce statut, elle l'avait acquis à la force du poignet. Elle donnait de l'éclat à n'importe quoi. Dans la société actuelle, elle faisait le propre avec une efficacité impressionnante. La revendication, elle connaissait. Le dehors ne l'intéressait pas, elle était là, ici et maintenant.
Au départ, ce n'était pas sa vocation. Elle se levait avec l'assurance qu'aucune fulgurance ne la traverserait. Mais alors, pas une seule. Et un jour tout changea. Tout ça, c'était lié aux banques. Les banques et leur médiocre sens de l'ordre. Il ne savaient pas utiliser les engins à leur disposition. Aux diables les machines, avec elles, on perd le contrôle !" disait-elle. "On perd le sens commun, que diable!" On ne voit plus le soleil. Le ciel présent est gangrené de nuages. "Je leur avais dit pourtant. La liquéfaction n'est pas la preuve de la chute, c'est le terreau du renouveau."
A dire vrai, elle les avait prévenu... Mais ils n'avaient aucune notion de prudence. Comment pouvait-on être aussi téméraire? Téméraire et stupide.
Elle était de celles qui retroussent leurs manches. Son réquisitoire était cependant passé inaperçu. On lui avait dit qu'il fallait qu'elle laisse tomber. Ça avait jeté un froid. A présent, elle se sentait perdue. Personne ne faisait grand cas de ses avertissements. Pourtant, bien des indices laissaient à penser que la chute était proche. Elle se sentait incomprise. Ils pensaient tous que sa théorie était improbable. "Il y aura toujours beaucoup de zéros à la fin de nos chèques". Elle savait, elle, qu'ils partiraient en fumée. "Ce genre de pensées équivaut à un déni d'intention". Et le temps prouva qu'elle avait raison. Il s'en rendirent compte un jour de novembre, ou plutôt un midi. Les intérêts pour le ménage avaient chuté de la part de "la femme de", et les hommes aussi. Car le lino n'est jamais aussi glissant que lorsqu'il est sale.
Ça leur apprendra à faire attention. Lorsque les manieurs de fer à repasser se mettent en crise, ça laisse des traces.

Lola Dubois entre deux phrases de Georges Bataille

Texte écrit entre la première et la dernière phrase du livre Le Bleu du Ciel, de Georges BATAILLE

Dans un bouge de quartier de Londres, dans un lieu hétéroclite des plus sales, au sous-sol, Dirty était ivre. Le lendemain matin, Dany la trouva inconsciente, étendue de tout son long sur un matelas de mousse humide et moisi déposé là à l'attention des squatteurs. Il prit son poul, la prit dans ses bras et l'emmena loin de cet indroit insalubre jusqu'à son appartement. Il prit soin de lui enlever ses vêtements et la déposa dans la baignoire. Il fit couler délicatement de l'eau sur son visage tout en la nettoyant à l'aide d'un gant de toilette. Elle reprit doucement ses esprits, ouvrit lentement ses yeux et sourit. Ses profonds yeux bleus étaient vitreux, et injectés de sang. Elle paraissait soulagée, Dany avait les yeux brillants et adressa avec émotion: - tu m'as fais très peur, -cétait juste une cuite Dany t'emballe pas! -Une de plus oui, et quel était ton mélange cette fois-ci? Pourquoi continues-tu de fréquenter ce trou à rats? - Oh, oh , ooohh, OH ! ça va là ! J'ai mal à la tête ok ? J'ai une gueule de bois d'enfer alors baisse le ton ! Ecoute Dany, tu t'es occupé de moi, c'est cool, mais tu vas pas en faire une maladie ! - Mais tu es malade Dirty, tu choisis seulement de l'ignorer. Tu sais, si tu décidais de rester, je pourrais prendre soin de toi, et nous pourrions vivre d'agréables moments ! - Rester ? rester. Ouais ouais, j'sais pas trop. Dirty sortit de la baignoire avec dédain, se sécha légèrement, jeta la serviette aux pieds de Dany alors assis sur le rebord de la baignoire, estomaqué. Nue dans l'appartement, elle se servit un verre de jus d'orange, s'assit sur le canapé et alluma une cigarette. - Tu sais que c'est interdit ici Dirty! - Ca va lâche moi! - C'est pour ton bien... -Mon bien mon bien, ah ouais, tu crois savoir ce qui est bien et me l'apprendre en plus ?! Toi et ta p'tite vie misérablement saine, organisée, planifiée, calme et sans surprises... Pffffff!! Et qu'est-ce que tu fais? Tu t'emmerdes ouais !! Voilà ! Quoique des fois tu mets une pointe de piquant en volant à mon secours... -Oui Dirty, je tiens à toi. C'est comme ça. Et je ne te permets de juger si ma vie est oui ou non misérable, j'ai un job, des amis, un .. -Et quoi ? Tu as quoi mon cher Dany ? Une belle voiture? Si tu me trouves si minable alors pourquoi tu tentes désespéremment de me venir en aide ? - Parce-ce qu... - Tu m'aimes hein? C'est ça? Tu m'auras jamais Dany! Juste nue dans ton bain un lendemain de cuite ! - Pourquoi es-tu si cruelle Dirty? - J'ai besoin d'air ! Dirty renfila ses vêtements sales et puants de la veille, jeta sa cigarette dans l'évier et claqua la porte en disant: " merci bien, salut à plus!" Dany était désespéré, depuis tant d'années il essayait par tous les moyens de la remettre dans le droit chemin mais sans jamais y parvenir. Il l'aimait, elle était sa famille. Dirty se promena un long moment dans Camden Town, elle réfléchissait, elle était consciente d'être odieuse avec son ami mais ne pouvait se contrôler. Elle retourna au squat, s'écroula sur un bloc de mousse puis se roula un joint. Tout en fumant, elle fouilla dans sa poche et trouva un fascicule, celui d'un centre de désintoxication à quelques heures de Londres; elle pensa à haute voix: " Ahh... Dany!". Un sourire et une excitation s'emparèrent d'elle. Quelques heures plus tard, elle se dirigea lentement vers la gare. [Elle marcha] quelques temps; le long du quai, avant d'entrer dans un compartiment; le train ne tarda pas à partir.

Rose Mansion

"Toutefois je m'enorgueillis de mon humiliation, et puis que a tel privilege je suis condamnez, je jouy presque d'un abhorré salut: je suis, de mémoire d'homme, je crois, l'unique estre de notre espéce a avoir fait naufrage sur un vaisseau désert." Un bateau ivre oui ! La capacité des hommes à souffrir de logorrhée en cas d'abus de substance alcoolisée m'a toujours fasciné. Mais force m'est de constater que peu de gens arrivent à un tel niveau de de littérature imbibée. Cet homme était réellement fascinant, même ivre. Autour de lui, c'est le spectacle des corps en transe ou pitoyablement anesthésiés qui se jouait. Certains tremblaient, transis d'alcool ou de froid, insensibles à l'humidité de la pluie qui tombait depuis deux jours déjà. L'herbe piétinée disparaissait au profit d'une boue épaisse qui capturait les talons des imprudentes qui avaient fait l'erreur de se chausser comme pour aller au bal. Une brume évanescente, plus dense par endroit, flottait au ras du sol, entre les tentes et les sacs poubelles. Il devait faire jour, peut-être était-il tôt, ou était-ce seulement la désertion apparente des lieux qui le laissait à penser. Au loin, les vibrations sourdes venant du mur semblaient attirer, comme la lumière d'un néon les mouches, les quelques silhouettes en K-way et crinière grasse qui passaient à proximité. Une odeur de cigarette et de vêtement humides flottait dans la tente. La lumière filtrée par la toile bleu marine adoucissait la vision, le duvet en synthétique collait à mes bras nus. La tiédeur relative de l'atmosphère de la tente laissait supposer le froid de l'extérieur. Le temps passa, sans que rien ne semble changer, peut-être l'évolution était devenue si lente qu'elle était désormais imperceptible. Le seul cycle de vie qui restait visible en temps dit "réel" était celui du réveil des danseurs, passant d'un état quasi-catatonique à une transe frénétique, hystérique. Allant jusqu'à frapper ce satané mur de leurs poings, de leurs crânes engourdis. Jamais, quoi qu'il arrive, ils ne pourraient accéder à cette vibration, seuls témoins sensibles de l'agitation festive de l'autre côté du rideau de briques. Jamais ils n'entendraient.
On ne m'avait pas menti. "C'était des gens sans âme."

Les citations sont extraites de l'île du jour d'avant D'Umberto Eco

PS: L'objet est basé sur le 1er et le dernier mot dans: Le Scarabée d'or d'E. A. Poe

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