Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

jeudi 29 septembre 2016

Camille Jollain, inspirée par Perec qui écrivit Les Choses

Leurs échappées champêtres étaient fréquentes, ils partaient à la redécouverte de cet espace
qu'ils connaissaient par cœur. Leurs escapades furent pendant de longues années un
échappatoire à tout ce bourdonnement, ils fuyaient les mêmes rues mornes, les mêmes souks
grouillants et incompréhensibles, car c'était dans les panoramas, dans les horizons qu'ils
retrouvaient leur sensibilité. Tout au long des saisons, sous le soleil, sous la pluie, sous la
neige, ils marchaient pendant des heures dans cette vaste nature. À la recherche du calme et
de paysages merveilleux, ils déambulaient dans la montagne à travers les arbres, sous leurs
pieds le crépitement des branches les faisait frissonner. Ils se contentaient toujours de choses
simples pour être heureux. Après quelques dizaines de kilomètres parcourus, ils arrivaient à
leur repère ; une oasis de paix loin de la ville bruyante. Ils découvrirent cet endroit en haut
d'un piton lors d'une randonnée un mois d'avril, il y avait très longtemps. Pas très loin de là, ils
aimaient s'amuser dans les restes d'un palais, d'un temple, on ne sut jamais. Ils y passèrent
des heures et en connaissaient les moindres recoins, jamais ils n'y emmenèrent quelqu'un
d'autre, c'était leur secret. Ils aimaient la conquête de l'espace, du temps, ils étaient fascinés
par la splendeur des arbres. À l'automne, ils avaient un rituel, ils venaient le samedi, à six
heures du soir, ils s'asseyaient en haut du piton sur un rocher, toujours le même et observaient
les couleurs de la nature qui étaient d'une splendeur chaleureuse. Jamais ces charmes ne les

lassèrent et ils y demeurèrent toujours aussi spontanément sensibles qu'aux premiers jours.

Adèle Delefosse inspirée par des extraits des CHOSES de Perec

 Les longues soirées d'hiver s'étiraient. Ils pensaient chacun de leur côté, oubliant sans cesse qu'ils étaient deux. Ils restaient respectivement enfermés dans une bulle de grisaille, n'arrivant pas à s'en détacher. Au dehors tout était gris, triste et morne. Le soleil leur manquait. Parfois ils échangeaient un coup d’œil furtif, observant l'autre pour tenter d'y chercher du réconfort. Mais ils étaient incapableS d'ouvrir la bouche et d'amorcer ne serait-ce qu'un semblant de conversation.

Ils restaient emmitouflés dans la couverture de laine, écoutant le silence de l'appartement. Petit à petit, leurs corps s'enfonçant dans le canapé, ils se rapprochèrent jusqu'à se toucher. Ils sentirent leurs respirations et battements de cœurs mutuels. Il posa sa tête contre son épaule. Finalement ils n'étaient pas si mal dans cet appartement tous les deux.  

mardi 27 septembre 2016

Maely Massereau, d'après un extrait des Choses de Perec


Éclat d'insouciante allégresse. Personne n'avait su comprendre le sensibilité spontanée qu'ils avaient eu l'un envers l'autre. Une mythologie, comme un tourbillon du savoir. Aphrodite, conquête de l'espace avec Dionysos. Sans doute l'absence notoire de raison. Quelle splendeur ! L'amoncellement d'aventures inventées. Parfois, il n'y a rien à comprendre. Imagine. Ils se ravissent, se fascinent, comme une passion fulgurante, pour peu qu'elle soit belle. Au bord des marches, insalubres, et pour s'apercevoir, il faut écouter. Et croire. Du calme de la rue, des caresses, des soupirs... de l'usure, pas sollicitée. Croire que jamais ces charmes ne se lassèrent. Et pourtant, torpeur des tropiques, l'été est fini, et puis, la violence du vide. Il y avait surtout l'absence de cette sensibilité balbutiante. Dans les rues de New York, sur son navire de pensées, elle le regarde et embrasse son esprit obtus. Il divague, mais pas sur le même cours d'eau. Du temps suffire à leur faire oublier. Proximité lointaine. Vide.


samedi 24 septembre 2016

Anastasiia Kondratieva, d'après des extraits des Choses de Perec

 Ils tentaient de survivre dans ce piège répétitif. Il leur semblait parfois qu’ils ne verraient jamais sa fin. Ils voulaient se cacher quelque part tout en étant au vu et au su de tout le monde, ils voulaient s’envoler, s’enfuir de cette absurdité des choses, de ce sentiment effrayant de déjà-vu : les mêmes actions qui les rendaient fous, les mêmes rues souffrant de sombreur, les mêmes paysages agaçants qui par ironie étaient auparavant un régal pour l’œil. 

Jamais le quotidien ne leur paraissait aussi écœurant que maintenant. 

Ils étaient avides de changement. Le monde leur devint si harassant qu’ils décidèrent de créer leur propre univers, leur propre jeu. Le jeu, où ils se sentaient constamment gagnants, le jeu dont eux seuls connaissaient les règles. Ils aimaient le risque, ils aimaient cette inexactitude des choses, ce sentiment d’incompréhension, de surprise, bonne ou mauvaise. Ils aimaient l’inconscience, ils se promirent de ne plus jamais réfléchir à tout ce qui pourrait se passer après. Après n’exista plus. Vivre au jour le jour, l’instant à l’instant : ce fut la règle principale du jeu, la plus stricte loi de leur monde inventé. 

Il leur était interdit de s’interroger sur les possibilités ou plutôt les impossibilités de ce qu’ils vivaient. Ils se heurtaient de toutes leurs forces à cette affreuse vérité qui devrait selon la logique tôt ou tard se faire jour. Ils savaient qu’il suffisait juste de bien s’exercer dans ce mensonge afin de prouver à leurs systèmes cérébraux que tout fut réel même si tout fut éphémère. 

Habitués à vivre dans ce monde inventé, ils ne pouvaient plus imaginer le jour où cette merveilleuse fantaisie disparaîtrait. Ils étaient malades, malades de cette illusion qui leur fit perdre leur conscience, qui leur paralysa cerveau et âme, qui leur changea tous les principes et toutes les convictions. 

Leur monde s’écroula au moment où quelqu’un leur ouvrit les yeux et leur fit comprendre que ce fut tout simplement une illusion, une illusion bien conçue, bien construite, parfaitement intégrée dans la réalité. 

Finalement, quelle est l’illusion ? 


Anastasiia Kondratieva 

vendredi 23 septembre 2016

Lucie Cros, à partir d'un extrait des CHOSES de Perec

Deux ou trois fois, je crois.
C'était ce lieu, dans cette rue, dans cet espace, avec ces regards, ces mouvements et ces murmures.
Peut-être, quelques fois.
C'était un temps, une figure, du souffle, un demi-mot. En fait, les mots n'existaient plus.
Peut-être quelques fois. Peut-être.
Cet instant, un moment. La fabrication d'image et de langage. Composition passagère de lumière, que l'on effleure, à peine, de la pulpe de son doigt.
Une fois maintenant, une seule.
Atmosphère : passable, mais à peine chaleureuse. Et ce froid soudain. Le tiraillement dans les os,  l'éclosion et l'explosion de cellules. Les informations se perdent dans la mémoire des autres.
Une fois, C'est certain. Mais quand ?
L'expérience, C'est elle, C'est lui, Cet espace tout entier, dans lequel la consommation d'oubli vient, Pour combler le précipice du vide. 
Pas le temps.
Quand alors ? Était-ce une fois ?  Ou plutôt, une demi-fois ? 
Le temps, pas la. 
Le ventre gargouille,  Il s'étire. C'est la sensation qui s'étend, passe à un autre. Les bruits,  ce que l'on perçoit d'eux, se chevauchent et se transmettent,  d'une bouche à un œil,  d'un œil à un autre,  d'une oreille à ce doigt, d'une main à sa fesse, d'une tension à une autre, d'une mémoire au souffle court.
Combien de fois suis-je venue au monde ? 
Une demi-fois ?  

Peut-être, Il me semble, un quart de fois.

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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist