Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

dimanche 10 février 2013

Une exquise douleur



C'est exsangue (Ɛgzäg) que je l'ai retrouvée. Ou plutôt, exsangue (Ɛksäg), ce qui est préférable.
Elle a expiré dans la nuit. Elle n'en pouvait plus de cette vie, extra-lucide sur le destin qui se dessinait à elle. 
Elle se renfermait davantage à l'intérieur d'elle-même, à l'extérieur du monde.
« Introvertie » aurait été l'adjectif le plus approprié pour la définir, même si celui-ci s'avérait explétif  puisqu'un simple regard le suggérait. Il n'y avait pas besoin de mot superflu, son malheur était explicite.
L'expert-légiste avait soulevé un trait d'union entre les faits et son acte, et la lame métonymique qui lui avait ouvert les veines fut une solution expresse à son extrême souffrance. 
Son geste était chargé spécialement de transmettre sa volonté , à savoir prendre sa revanche sur la maladie qui la rongeait de l'intérieur, expectorant, éructant, agonisant. 
Des mucosités exotiques obstruaient ses bronches, les gaz explosaient son estomac pourtant intransitif. Elle éprouvait des difficultés à aspirer, à expirer. Les mots la torturaient et jamais ne se laissaient apprivoiser.
Son geste extravagant paraissait extraordinaire, anormal, inexplicable, pour s'extraire ainsi à la vie. Des formules et des tournures plus douces existaient. Mais elle s'est expressément expliquée dans une lettre qu'elle avait glissée dans son dictionnaire :


« Mon temps est expiré.

Ce n'est pas en extravaguant que je m'en vais. Mes raisons ne sont en rien exorbitantes, excessives ou qui dépassent la juste mesure. Malheureusement, le suicide est la seule issue qui s'impose à moi. 
Vous me direz qu'il existe des moyens plus expédients, plus commodes de se taire mais la souffrance appelle la souffrance. Une exquise douleur s'est logée dans mon esprit. Elle doit s'évacuer naturellement, dans l'agonie et le désespoir.

Je quitte exquisement toutes ces difficultés et vous laisse le soin de les résoudre.»


Pauline Rey



samedi 9 février 2013

Mot « Giratoire » Texte : « un Thème à contre-sens »


Le thème imposé de la soirée était les masques.
Les « Masks » avec un « k », comme le film « The Mask » avec Jim Carrey.
Ayant pris l’orthographe de ce mot à la lettre, je me dis qu’il fallait que je m’imprègne
obligatoirement d’un des personnages du film. Je pensais que cette logique avait été respectée
par tous, et qu’il aurait eu le choix de choisir sa danseuse de tango, interprétée par Cameron
Diaz dans le film.
C’est de cette manière que j’ai été élu « costume le moins recherché de la soirée ».
Pourtant j’y avais longuement réfléchi, avoir fait les cent pas dans un discount de farces et
attrapes ne m’aurait-il servi qu’avoir l’honneur d’avoir un prix de déshonneur ?
J’avais même scruté les quinze minutes de générique en but de me trouver le costume de la
soirée. J’aurai dû me déguiser en figurant de la scène du braquage ou en maquilleuse.
Mais c’est avec ce prix que je deviens le figurant de la soirée.
De plus, je ne pense pas mériter entièrement cette récompense. Par exemple, une fille pensait
qu’être en maillot de bain était un déguisement.
Je lui ai indiqué que le thème qui est celui du masque avait pour caractéristique d’être caché, de
devenir un parmi d’autres, mais surtout que se couvrir non de découvrir.
Personne n'ignorait l’originalité de son costume, tout le monde se retournait, même les
Cinq Hulk dont les coeurs doivent rester de pierre.
D’ailleurs, la soirée n’aurait pas dû s’appeler « Masks » mais plutôt « Sosies ».
Certains le prennent bien de se retrouver à côté d’une horde d’elfes ou de Schtroumpfs car l’effet
de fratrie et de communion dû à l’achat du même déguisement et d’un manque d’imagination,
incite quelques individus à entreprendre plus habilement la conversation.
Cependant, il est plus dérangeant d’être la cinquième tortue ninja ou troisième membre à casque
des Daft Punk. L’un des trois sera finalement engagé en tant que livreur de Pizza. Il y a un
groupe de Catwoman qui se battent à côté de la salle de bain. Je ne sais pas ce qu’ont les filles à
vouloir être en body moulant noir et armé de leur fouet claquant sur le sol et sur les moindres
infractions sur le droit des femmes.
Même le faux James bond est déjà plus saoul que ces deux collègues de bar que sont Lucky
Lucke et Robin des bois. C’est deux-là ont misé leurs terres sur une partie de fléchettes
électroniques.
Je ne méritais pas cette récompense, c’est un contresens.
* Les costumes d’objets (rubik’s cubes, téléphone portable, cadeau..) ont la particularité de
rendre ceux qui les portent aussi muets que le mobilier de l’appartement qui nous accueille.

Bryan Peltier

Denis Drouet sera litote

Il y a des jours où je me sens d'humeur explétive. J'utilise alors des mots sans aucune raison explicable, qui dans mes phrases ont des sens explicites et pourtant explétifs.
Tenez, l'autre jour, je me tenais assis de manière reposée sur une chaise qui retenait mon poids. Quand tout à coup, à court d'idées un Africain héliotrope se tourne vers mon corps assis de manière reposée. L'homme noir exsangue, à l'allure livide m'exprime paniqué :

« Je ne comprends pas, un folliculaire vient de vous décrire comme un homme d'hyperbole. »  

Ne faisons pas de grands mots, et soyons bref, je ne sais quelle litote employer.
Que nenni, ces litanies, de linottes 
ce soir je serai litote. 


jeudi 7 février 2013

Dictionnaire des difficultés du français

Les participants auront ce soir reçu quelques pages extraites du Dictionnaire des Difficultés du français publié par le Robert.

dimanche 3 février 2013

En direct de Bruxelles


Et il y a cette radio qui, si je la laisse branchée, tend à me faire savoir qu'elle est toujours là. Même éteinte elle laisse percevoir cette tension qui réside dans son alimentation et ne demande qu'à être relâchée et faire rugir les enceintes.
Le manteau qui est accroché là où il doit mais qui dans l'obscurité me fait voir d'horribles choses ; certainement pour que je ne l'oublie pas lui non plus et pour me signaler que sa forme n'est belle que lorsqu'il est porté.
Le miroir qui semble se ternir en ne reflétant que l'encombrement des choses amoncelées ; il me crie qu'il renvoie une mauvaise image et qu'il faut que je fasse quelque chose.
La chaussette isolée au pied du lit me fait signe pour me dire qu'elle n'a pas vu sa partenaire depuis un moment.
Tous ces boutons qui ne songent qu'à un léger basculement pour faire reprendre aux objets toutes leurs fonctions.
Notamment mon fameux grille pain qui veut s'activer pour encore mieux faire sauter ses tartines.

A tous ces objets qui me parlent, je leur dis que la nuit portera conseil et que tout ira mieux demain.
Et à la chaussette du pied du lit, je lui dis que si jamais sa partenaire est trop loin pour lui tenir compagnie elle trouvera pleins d'amies au sein du tiroir qui est bien garni de ses compatriotes du même type.
Je me mets à rêver mais je crains d'être extirpée de mon profond sommeil par ces enceintes qui reprennent leur droit, la bouilloire qui se met à siffler, le grincement de la porte ou les gouttes qui s'échappent du robinet.

Seulement, je rêve, taisez vous.

Pauline Djerfi

vendredi 1 février 2013

Dormir ?


Elle est là, elle me regarde, me surveille au-dessus de mon lit chez grand-mère. J'aimerais bien la retirer de sa place, mais c'est mauvais présage selon mamie Simone. Elle a été bénite durant la cérémonie de son mariage. Elle,...enfin la croix du Christ, me perturbe. Si jamais elle se décrochait et échouait sur ma couette... Je ne suis pas près de dormir.
La tapisserie orange marron à grosses fleurs, sont prêtes à me dévorer tels des carnivores en rut qui attendent la nuit avec impatience.
Bon, je me mets sur le ventre la tête dans le traversin. Ça crépite, ça fourmille... Il veut m'étouffer le bandit, dans mon sommeil ! Ces plumes n'auront pas raison de moi. En pleine nuit le combat est déloyal. Je me résous sur la pointe des pieds à quitter mon lit. Je referme la porte à clé de ma chambre, derrière moi. Troublée et épuisée de cette mascarade, je trouve le sommeil sur le canapé dans le salon, non loin de Polka, la toute mignonne doberman de mamie Simone.

Régina Sorel

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