C'est exsangue (Ɛgzäg) que je l'ai retrouvée. Ou plutôt, exsangue (Ɛksäg), ce qui est préférable.
Elle a expiré dans la nuit. Elle n'en pouvait plus de cette vie, extra-lucide sur le destin qui se dessinait à elle.
Elle se renfermait davantage à l'intérieur d'elle-même, à l'extérieur du monde.
« Introvertie » aurait été l'adjectif le plus approprié pour la définir, même si celui-ci s'avérait explétif puisqu'un simple regard le suggérait. Il n'y avait pas besoin de mot superflu, son malheur était explicite.
L'expert-légiste avait soulevé un trait d'union entre les faits et son acte, et la lame métonymique qui lui avait ouvert les veines fut une solution expresse à son extrême souffrance.
Son geste était chargé spécialement de transmettre sa volonté , à savoir prendre sa revanche sur la maladie qui la rongeait de l'intérieur, expectorant, éructant, agonisant.
Des mucosités exotiques obstruaient ses bronches, les gaz explosaient son estomac pourtant intransitif. Elle éprouvait des difficultés à aspirer, à expirer. Les mots la torturaient et jamais ne se laissaient apprivoiser.
Son geste extravagant paraissait extraordinaire, anormal, inexplicable, pour s'extraire ainsi à la vie. Des formules et des tournures plus douces existaient. Mais elle s'est expressément expliquée dans une lettre qu'elle avait glissée dans son dictionnaire :
« Mon temps est expiré.
Ce n'est pas en extravaguant que je m'en vais. Mes raisons ne sont en rien exorbitantes, excessives ou qui dépassent la juste mesure. Malheureusement, le suicide est la seule issue qui s'impose à moi.
Vous me direz qu'il existe des moyens plus expédients, plus commodes de se taire mais la souffrance appelle la souffrance. Une exquise douleur s'est logée dans mon esprit. Elle doit s'évacuer naturellement, dans l'agonie et le désespoir.
Je quitte exquisement toutes ces difficultés et vous laisse le soin de les résoudre.»
Pauline Rey