Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 30 janvier 2010

premier texte pré-Petersbourgeois

Je ne crois pas aux signes, mais c'en était un.

Je collectionne les papiers de bonbons. Je m'accroupis en pleine rue pour faire ce qui semble d'après les regards des gens plus choquant que d'y pisser : ramasser des papiers de bonbons sales et poussiéreux, parfois poisseux. C'est grâce à l'un de ces rebuts de gourmandise que mon voyage en Russie a commencé. L'endroit était fertile en emballages inédits, une rue ventée en périphérie du Mans, tous les dix mètres, une petite merveille, et là à un mètre de moi, la porte vers la Russie. Chose que je ne savais pas encore avant de le ramasser, puis de l'ouvrir, précautionneusement, afin de ne pas sentir craquer dans un petit son sec, le papier cassant qui semblait si solide. Il faut garder intact l'objet pour pouvoir le lire d'un bout à l'autre sans interruption. Et sur ce papier, des signes connus mais étrangers, du russe, du RUSSE. Du moins je crois. En y regardant de plus près, les bonbons étaient made in Ukraine, mais qu'importe, c'est déjà exceptionnel qu'un bonbon étranger, même seulement ukrainien, se retrouve dans une rue du Mans, devant mes pieds et à portée de mes doigts alors gourds. Je l'ai gardé, pièce maîtresse de ma collection.

Mais des papiers, il en est d'autres, et de moins réjouissants. Ce sont les paperasses, l'administration est leur mère et l'épuisement leur progéniture. Nom, prénom, sexe, âge, taille, poids, « taille, poids, âge ». Où tu vas ? Jusqu'à quand ? Pourquoi ? Comment ? Je n'ai rien à déclarer mais j'écris quand même, au stylo noir, j'ai oublié ma machine à écrire. A côté de moi, le couple avec qui je parlais auparavant a l'air inquiet, lui me dit qu' »il y a un grain de sable »: Quinze jours OK, seize jours, qu'est-ce que tu vas faire pendant tout ce temps ? Programme s'il vous plaît.

Je suis repartie avec mon visa douloureusement payé avec la carte du même nom, en leur souhaitant bonne chance. L'attente était longue, même si le guichetier remontait un peu l'idée que je me faisais de l'apparence des hommes russes. La jeune femme à mon guichet était elle d'une gentillesse à faire mentir tous les guides de voyages qui mettent en garde le brave touriste contre la rudesse du peuple russe.

En attendant son tour : Regarder les canapés sans doute déjà présents avant la perestroika, tenter de déchiffrer les feuilles en russe, écouter la petite musique de la langue, essayer de reconnaître des mots. Pourquoi lui dit-elle que c'est loin ? Savoir différencier les femmes françaises des femmes russes : les permières portent des manteaux de fourrure. Se dire qu'en effet « скажите пажалуиста » se prononce bien comme ça et que l'on dit « спасиба балшое », et pas l'inverse. Détendre ses pieds, ne pas sortir son appareil pour prendre en photo le guichetier fluet avec les jambes du touriste qui se reflètent dans le plastique sombre du comptoir. Reconnaître les responsabbles des agences de voyages : ils ont dix passeports en main, et tout le désarroi des autres depositaires par-dessus l'épaule.

« And win a fortune in the game, my life would never be the same ...» J'ai bien joué au jeu et gagné, mais pas assez pour différencier ma vie d'après de la précédente, juste suffisamment pour me dire qu'à moi aussi il arrive d'avoir de la chance et que ce sera toujours ça de plus pour le voyage. Encore une histoire réglée par un bout de papier.

Rose Mansion

à la suite d'une autre phrase d'Antonio Lobo Antunes

"Voilà que commencent à arriver les nuits où le jour se prolonge encore grâce à une sorte de lumière qui tarde à disparaître dans les astres,
sur les toits et même en moi. " Antonio Lobo Antunes


C'est l'hiver, cette saison qui me rappelle chaque jour que je ne suis qu'une simple mortelle tout comme ces flocons de neige qui meurent à
peine descendus du ciel.

Ephémère.

Comme ces feuilles qui se suicident chaque seconde. Et comme si leur détresse ne suffisait pas, nous les piétinons, écrasons en les faisant
couiner. Certains s'amusent même à enregistrer leurs gémissements de douleur …
Oui, je l'avoue : l'une des seules choses qui m'intéressent à cette période de l'année c'est martyriser les feuilles. J'y éprouve un certain plaisir
sadique. Je parle des feuilles là mais c'est encore plus jouissif avec les branches, ces os d'octogénaires en bois hurlent plus distinctement, plus
gravement. (Au même titre que sauter dans les flaques provoque en moi des larmes de joie.
Oui, l'hiver me donne des envies meurtrières. Dès son arrivée je compte les jours avant que l'été, son ciel bleu et son soleil fassent leur
apparition.

La mienne eut lieu un soir d'Août 1989 où seul le chant des cigales et des criquets se fait entendre. Au moment où le soleil sort de scène
mais pas aussi brutalement qu'en hiver, non, il le fait élégamment, ayant la courtoisie de saluer chaque rappel.

Emma Bourgin

A la suite d'une phrase d'Antonio Lobo Antunes

Viens le moment où on se met à vivre avec la mort comme si c'était une vieille connaissance. Quelqu'un qui est dans un coin, sur une chaise, qui ne nous dérange pas, aimable, presque sympathique, et qui nous regarde avec ses lunettes, une revue sur les genoux.

Une personne dont on sait la présence sans chercher à la ressentir.Parfois on discute ; longtemps ; on devient proche. Mais elle finit par me rappeller que j'ai d'autres amis et qu'ils souffriraient si nous finissions par entretenir une relation trop exclusive. En même temps, elle m'engueule, parce que parfois, j'ai peur d'elle, parce que finalement, je tiens à moi.

« Mais tu ne sers à rien ! C'est qui ce truc moche là dans le miroir ? Une machine à digérer, une bête qui bouge, qui s'agite pour des choses qu'elles croit importantes. » Et elle à raison, au fond. Nous ne sommes rien. Absolument rien. On nait, et quelques années après on meurt, en ayant pris soin, toute sa vie, de mener à bien des projets, des envies, et des réflexions, dont il ne restera bientôt qu'un vague souvenir. Nous ne sommes qu'une masse de viande rapidement périmée qui cache sous sa capacité de réflexion et d'élocution sa lente décomposition. La vie c'est merveilleux ! Je les entends déjà, l'amour, l'amitié et le bonheur, le bruit de la pluie sur le toit et les premier mots du bébé... Vous savez qu'il va mourir, lui aussi ?

Si je faisais preuve d'un peu de cohérence, je ne serais déjà plus là. Je me serais ouvert les veines, ou pendue, ou j'aurais pris trop de médicaments ; mais par lâcheté, je ne réussirais sans doute pas. Je me vois appeler les secours à la vue du sang qui gicle. Il faudrait un moyen radical et sûr, comme la chute de plusieurs centaines de mètres ou la balle dans la tête, quelque chose qui, même s'il laisse une fraction de seconde à la réflexion, l'annihile définitivement par la suite. C'est fou d'être si attaché à une vie à laquelle on ne croit même pas. Peut-être que le fait de penser à la possibilité de faire souffrir des gens qui n'ont pas la même vision des choses que moi en me tuant émousse aussi ma motivation. Ça la vexe, la mort, quand j'évoque ce genre de chose « Dans la vie faut faire des choix », qu 'elle me dit. J'ai du mal.

Mais qu'est-ce qui fait qu'on s'attache à la vie ? Pourquoi, alors qu'on sait pertinemment que l'on va tous disparaître, fait-on comme si tous nos actes -qu'ils soient considérés comme bons ou mauvais-avaient une valeur incommensurable ?

Je ne sais pas si j'ai vraiment eu peur de la mort un jour ; c'est comme le père Noël, je ne me souviens pas d'y avoir jamais cru. Je suis toujours en train de mourir en fin de compte. Je passe là, ou ici ; et chaque pas que je fais est un de plus vers la cellule où cette amie discrète mais fidèle se chargera de l'injection létale. Mais ça n'empêche pas la vanité, je ne tiens pas à mourir, mais dans ce cas, il faut tout vivre, et complètement. Mais cette maxime de comptoir ne tient que pour le superficiel. Il y a des choses qui ne se relativisent pas.

Rose Mansion


dimanche 10 janvier 2010

on les servira cuits, de onze heures à midi. Rose Mansion

Parce qu'il n'y a pas qu'à Paris que le crime fleurit. (merci Georges)

Que le monde est joli, même sans les confettis,
Les souris sont pourries, ici le "K" gît bis.
Mais la vie à crédit est bien la plus jolie,
Quand dans le rat fraîchit, le poil de son petit.

Dans son nid bien blotti, il dort sans un bruit,
Mais le vil rat cours si, un grand cri retenti,
Car il a bien compris, et depuis peu appris,
Que sur le sol verni, d'autres avant ont péri.

écrasés aplatis, par une poêle kaki,
Le mardi est maudit, pour les animaux gris,
Heureusement ici, désossés et blanchis,
on les servira cuits, de onze heures à midi.


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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist