Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 10 octobre 2009

Médiateur urbain : Karine Blin

médiateur urbain…


Fatiguée, elle vient d’aller prendre son bébé à la crèche. Elle pense déjà à ce qu’elle pourrait bien préparer pour dîner. Passage obligé à Monoprix. Le bébé pleure, elle tente de le calmer mais sans succès. Avec urgence elle choisit quelques légumes frais et entame une longue file d’attente à la caisse numéro 2. Le bébé s’est enfin calmé. Soulagement. A la sortie du Monoprix, comme à chaque fois qu’elle n’a pas le temps, elle croise une collègue, une pipelette qui ne se lasse jamais de raconter mille chiantises auxquelles il faut, bien sûr, sourire et feindre un certain intérêt. Comment s’en dépêtrer? Se demande-t-elle en cherchant un stratagème discret. Heureusement, son débit de paroles démesuré s’arrêta net :

suite 1: elle vit arriver avec un air qu’elle sentit menaçant un homme grand, vêtu bizarrement, plutôt avec un mauvais goût certain. Il les aborda avec un franc bonjour, et dit tout calmement et bien distinctement « ça fait déjà plusieurs fois que l’on vous voit en train de papoter au nez de gens qui n’en ont que faire et qui ne savent comment vous le faire savoir gentiment ! En tant que médiateur urbain je dois vous interrompre et vous demander de cesser cette pollution auditive car elle s’étale beaucoup trop dans le temps et a toutes sortes de répercussions infécondes. Je vous remercie de votre compréhension et vous prie de maintenant dire au revoir. La ville vous remercie de votre collaboration. ». Après ça, bien obligée de tourner les talons, la mine fermée; désarçonnée par cette intervention qu’elle espérait ne pas revivre encore, elle s’en alla sans plus qu’un au revoir discret, presque muet.

Ou suite 2: quand elle entendit son portable sonner. Le « je te laisse » qu’elle émit fut comme une libération. Le tram vient de passer, on va être en retard ti moun, dit-elle à mi-voix à son enfant. Assise à l’arrêt, la poussette à ses côtés, 11mn d’attente. Une femme à vélo traversait la place, la suivant du regard ses yeux tombèrent sur une autre femme, stéréotype même de la cinquantenaire BCBG brillante des chaussures au fard à paupières en passant par la ceinture et le sac évidemment. Cette caricature ambulante marchait d’un pas décidé, surement pressée elle aussi. Cette image la laissa songeuse, elle se mit à repenser à une autre femme à la même allure, à ce même maquillage pseudo-chic et ne put s’empêcher d’avoir des regrets. Il s’agissait d’une de ses belles cousines. Celle-ci l’avait beaucoup inquiétée lorsqu’elle était encore enceinte, et lui ayant transmis son stress à travers de trop nombreux récits plus catastrophiques les uns que les autres. Cela allait des malformations qui n’avaient pas été décelées aux échographies, en passant par des placentas qui ne nourrissaient plus le bébé, aux poumons trop peu développés des prématurés… toutes ces histoires l’avaient angoissée durant sa grossesse. Sortie de ses pensées par l’arrivée du tram bondé, elle prit place et se replongea dans ses souvenirs. Elle avait envie de revoir cette belle cousine et de lui dire le fond de sa pensée. Puis, en un mouvement elle saisit son portable et l’appela. Sans aucune introduction, ni quelconque politesse elle lui dit qu’elle ne voulait plus jamais avoir affaire à elle et que sa maladresse n’avait d’égal que sa stupidité et ô combien elle avait été blessée de ce comportement. Les gens interloqués d’entendre une telle discussion regardèrent tous le médiateur assis là et enfin il se décida à aller la voir. Une fois la conversation terminée, il lui dit de ne plus reproduire d’échange aussi virulent dans un lieu public sinon les médiateurs urbains devraient agir en conséquence. Il la salua et retourna à sa place, encore une intervention bienveillante du médiateur urbain.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist