Les hosties se tartinent aussi
Lors de la traditionnelle visite de la toussaint à feu notre tante, il plane comme une odeur de confiture de rhubarbe au père Lachaise. Il paraît que les siennes étaient célèbres jusqu’à Atlanta. Entre nous, j’ai un doute. Vu la tête des douaniers devant le camembert au lait cru que j’avais prévu de faire goûter à mon oncle d’Amérique la dernière fois (avec la chaleur en plus ça avait été terrible), j’ai un doute. Jamais ces maniaques de la substance inconnue, ou pire, française, n’auraient laissé passer des bocaux de cette substance fibreuse et collante qui embaume l’air aujourd’hui. L’Amérique, c’est typiquement le genre d’endroit où les forces de sécurité sont paranoïaques au point de considérer le sucre comme un élément mortel. Vu le taux d’obésité là-bas, il n’ont peut être pas tort finalement.
Pour en revenir à l’ardente sœur de mon père, nous sommes partis à l’église où nous allons encore devoir chanter à tue-tête des cantiques aux refrains plus soporifiques que la respiration de gaz d’échappement. En guise de passe-temps, on peut toujours regarder ses chaussures, mais on s’en passe vite et on finit, là aussi, par s’endormir. Mais la messe arrive enfin à son terme et on fuit hardiment pour être sûr de pouvoir attraper sa ration d’air sain, dénué de toute trace d’encens le plus vite possible. Je laisse les autres en odeur de sainteté s’ils le désirent, personnellement, tout ça m’étouffe.
Après nous sommes tous réunis à la maison et le lit de la chambre d’ami disparaît sous les manteaux qui s’accumulent. Depuis la fenêtre, on peut voir le reste des fidèles qui s’agglutinent devant l’église. Je sais qu’il fait toujours froid dans ce genre d’endroit, mais de là à penser que c’est mieux dehors il y a un pas que je ne franchirais pas. Le prêtre, lui est déjà parti, les gens disent qu’il n’est pas tout à fait propre sur lui. A sa décharge, il y a sûrement beaucoup de prêtres qui sont sortis avec une chanteuse de leur chorale avant lui. C’est juste qu’il n’y a pas que l’armée qui soit une grande muette (il y a ma tant aussi). Du haut de l’escalier j’observe le gamin bouffi de prétention qui me tient lieu de frère. Ses ambitions s’amenuisent cependant de jour en jour depuis que ses professeurs lui ont fait comprendre que le métier de cireur de chaussures n’avait rien de déshonorant. Ce crétin se faufile dans le couloir lorsqu’il m’aperçoit. Tout à été fini entre nous le jour où j’ai retrouvé notre chat derrière la maison l’année dernière, il l’avait fait boire. Et on ne fait pas boire des chats, pas plus qu’on ne les chasse à coups de pierre ou qu’on ne les attache à des antennes. Faible consolation, ce cruel individu ne supporte pas la rhubarbe.
Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire
Qui êtes-vous ?
- Claude Lothier
- Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist