Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 30 octobre 2010

"aller-retours"?

Quelque part entre 23 heures 30 et 4 heures du matin, je suis fait comme un rat, faite comme un rat ? Faite comme une rate alors... Bon sang, mais pourquoi je réfléchis à ça ? Je suis coincée dans une ruelle immonde qui sent la pisse et je m'en fais pour une possible erreur grammaticale. Je n'ai strictement rien fait pour mériter ça. C'est vrai, «Je m'baladais sur l'avenue, le cœur ouvert à l'inconnu, j'avais envie de dire bonjour à n'importe qui... ». Enfin, je faisais une promenade dans les rues, prête à faire de nouvelles rencontres, j'avais envie de faire risette à tout le monde... Et voilà. La nuit tombe, et avec elle les rideaux métalliques des échoppes du quartier. Quelques néons clignotent encore ; tels des tuberculeux expulsant leurs derniers râles. Rouge, vert, une pointe de jaune dans la vitrine du club, une guirlande électrique, comme à Noël, sauf que sur la vitre, ce n'est pas du givre mais de la crasse. Résidus de fumée et traces de boissons font un écran aux lucioles de verre.

Je fais de mon mieux pour garder les yeux ouverts et l'esprit clair. Ma hanche me fait souffrir, j'ai la jambe froide mais le front brûlant. Un courant d'air fait des aller-retours à travers le grillage, m'empêchant de m'abandonner à la tiédeur nocturne. Des filles de joie aux mines sinistres déambulent dangereusement sur leurs talons aiguisés. Leurs tenues de vinyle coloré me feraient presque rire, je ne sais pas pourquoi ; ma raison doit commencer à se faire la malle. Les néons continuent de crépiter et se reflètent sur les flaques dans le bitume sans pour autant en troubler la surface lisse et immobile.

En fait, la nuit est vivante. Elle fait seulement sa fausse modeste, n'accroche qu'un bijou à sa cape, mais un précieux. Elle fait comme si de rien n'était. Moi aussi, mais pour l'instant, je fais la grimace. Je n'ose pas me plier vers ma hanche pour voir de quoi il retourne. Je sens juste mon jean qui colle à ma peau, figé par l'hémoglobine déshydratée. Il paraît qu'il ne faut pas s'en faire du mauvais.

Qu'est-ce que je fais là? Pourquoi a-t-il fallu qu'ils croisent le fer au moment où je passais ? Je suis tombée comme un fétu de paille, j'ai chancelé et je me suis effondrée contre cette poubelle de fer blanc. Depuis lors j'attends. Je fais acte de présence entre le plastique noir et le parpaing tagué. Jusque là aucun animal n'est venu faire ses besoins sur moi. Je fais la prière ne jamais avoir à subir ça. Un chien, heureusement vide, fait les cent pas devant moi, il hésite à s'approcher pour faire de moi son repas mais s'éloigne. Je dois faire peur à voir. J'avais un oncle féru d'archéologie avant, il s'est noyé dans une tasse de chocolat.

Deux types complètement faits passent en se chamaillant. Me faites pas rire les gars, ça fait mal. Il n'y a pas grand-monde de conscient dans le coin, et aucun ne fera quelque chose pour moi. Plus avenants, on fait pas. Il doit y avoir de la brume, parce que je ne vois plus très clair. Demain, je mettrai une perruque et je fabriquerai un tipi pour les enfants que j'aurai un jour. On est déjà demain ? J'ai faim, enfin je crois. Commence à faire froid, c'est pas logique, le soleil est allumé.

Je ne sais pas quoi faire. Je fais semblant de dormir, en attendant que le temps passe.

J'aurais dû faire du cinéma.

Rose Mansion ne fait pas semblant


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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist