Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 31 janvier 2009

Rose Mansion

"Toutefois je m'enorgueillis de mon humiliation, et puis que a tel privilege je suis condamnez, je jouy presque d'un abhorré salut: je suis, de mémoire d'homme, je crois, l'unique estre de notre espéce a avoir fait naufrage sur un vaisseau désert." Un bateau ivre oui ! La capacité des hommes à souffrir de logorrhée en cas d'abus de substance alcoolisée m'a toujours fasciné. Mais force m'est de constater que peu de gens arrivent à un tel niveau de de littérature imbibée. Cet homme était réellement fascinant, même ivre. Autour de lui, c'est le spectacle des corps en transe ou pitoyablement anesthésiés qui se jouait. Certains tremblaient, transis d'alcool ou de froid, insensibles à l'humidité de la pluie qui tombait depuis deux jours déjà. L'herbe piétinée disparaissait au profit d'une boue épaisse qui capturait les talons des imprudentes qui avaient fait l'erreur de se chausser comme pour aller au bal. Une brume évanescente, plus dense par endroit, flottait au ras du sol, entre les tentes et les sacs poubelles. Il devait faire jour, peut-être était-il tôt, ou était-ce seulement la désertion apparente des lieux qui le laissait à penser. Au loin, les vibrations sourdes venant du mur semblaient attirer, comme la lumière d'un néon les mouches, les quelques silhouettes en K-way et crinière grasse qui passaient à proximité. Une odeur de cigarette et de vêtement humides flottait dans la tente. La lumière filtrée par la toile bleu marine adoucissait la vision, le duvet en synthétique collait à mes bras nus. La tiédeur relative de l'atmosphère de la tente laissait supposer le froid de l'extérieur. Le temps passa, sans que rien ne semble changer, peut-être l'évolution était devenue si lente qu'elle était désormais imperceptible. Le seul cycle de vie qui restait visible en temps dit "réel" était celui du réveil des danseurs, passant d'un état quasi-catatonique à une transe frénétique, hystérique. Allant jusqu'à frapper ce satané mur de leurs poings, de leurs crânes engourdis. Jamais, quoi qu'il arrive, ils ne pourraient accéder à cette vibration, seuls témoins sensibles de l'agitation festive de l'autre côté du rideau de briques. Jamais ils n'entendraient.
On ne m'avait pas menti. "C'était des gens sans âme."

Les citations sont extraites de l'île du jour d'avant D'Umberto Eco

PS: L'objet est basé sur le 1er et le dernier mot dans: Le Scarabée d'or d'E. A. Poe

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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist