Sous le tilleul, il y avait des creux entre les racines. On jouait avec les feuilles en état de putréfaction déjà un peu avancé. Pas avec les fraîches, parce que si on les arrachait pour en faire d'un côté des frites de l'autre des araignées, la maîtresse nous arrachait un cheveu pour qu'on voie ce qu'on avait fait subir à l'arbre.
Elle, elle avait des cheveux blonds, souples, la moitié retenue en arrière par une barrette. Je ne sais plus si ce souvenir date de ce moment ou si j'ai vu une photo d'elle de cette époque chez ses parents. Je ne sais plus si elle était déjà un garçon manqué, en tout cas, ce n'est que plus tard qu'elle a décidé qu'elle utiliserait désormais les toilettes des garçons. Il y en a bien qui goûtent les croquettes à chats. Je ne crois pas qu'on se soit balancé de cette matière brune et rance d'entre les racines. Je ne crois pas non plus qu'on aie joué à la marelle ou au bac à sable. Peut être qu'on savait déjà que tous les chats des alentours pissaient dedans. On était assises côte à côte sur les bancs de bois verni, à la patine noire. Il me semble qu'on s'est bien entendues tout de suite. Je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs. Qu'est ce qui fait qu'on s'entend bien quand on a cinq ans? On parle de quoi? Est-ce qu'on peut vraiment dire qu'on parle d'ailleurs? On discutait de quoi? La pluie et le beau temps? On s'en foutait, du moment que les creux entre les racines n'étaient pas remplis. Des allers et retours des progrès sociaux? C'était plutôt nos propres progrès qui étaient le but de nos efforts. Peut-être qu'on détestait juste les mêmes petits cons et qu'elle préférait les chocos à la vanille et moi ceux à la fraise, comme ça, pas de jalousie.
Je n'en sais rien. Je ne sais pas comment on s'est rencontré. Je ne sais pas non plus comment on s'est perdues de vue. Si je la retrouve, je tâcherai de me souvenir comment.
Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire
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