Peut-être pour la soixantième fois maintenant, je me dirigeais comme chaque matin vers le petit garage. Mes pas s'enfonçaient légèrement dans la terre battue humide. L'air chargé de minuscules gouttelettes d'eau m'engourdissait dans la torpeur dont je m'étais arrachée quelques instants plus tôt. Il faisait encore nuit, une ambiance grise, de brouillard, mais étrangement l'hiver n'était pas encore là. Arrivée face à la vieille porte en bois, j'exécutai pour la énième fois le même geste machinal. Ma main droite saisissant dans ma poche le trousseau de clés, cherchant la bonne d'une seule main du bout des doigts, j'introduisis la clé dans la serrure, pour faire élever dans le silence matinal un grincement aigu par un pivotement sec de la porte bleue à la peinture écaillée. A l'intérieur, je découvrais sans surprise mon vélo adossé au mur, resté là sans broncher toute la nuit. Nous voilà partis pour une course de 4 km. Le parcourt est plus ou moins difficile. Dès le départ, une petite pente s'annonce comme pour m'encourager. Douce et engageante je me laissais aller, mon poids me suffisait pour avancer. Pourtant très vite, par la vitesse, le vent froid s’engouffrait et s'infiltrait dans mes vêtements par les espaces qui avaient échappé à mes précautions d'emmitouflement. Les frissons me gagnaient. J'avais le sentiment de n'être pas encore tout à fait réveillée, et la présence de cette brume épaisse transformait le réel en fantôme. Les seules touches de couleurs n'étaient que les yeux flamboyants des voitures qui se succédaient le long de ma route et au loin, passant sur le pont au-dessus de la Sarthe, la grande silhouette de pierre, vieille bâtisse religieuse se dressait dans ma vision troublée.
Gabrielle Choi