Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

samedi 30 janvier 2010

A la suite d'une phrase d'Antonio Lobo Antunes

Viens le moment où on se met à vivre avec la mort comme si c'était une vieille connaissance. Quelqu'un qui est dans un coin, sur une chaise, qui ne nous dérange pas, aimable, presque sympathique, et qui nous regarde avec ses lunettes, une revue sur les genoux.

Une personne dont on sait la présence sans chercher à la ressentir.Parfois on discute ; longtemps ; on devient proche. Mais elle finit par me rappeller que j'ai d'autres amis et qu'ils souffriraient si nous finissions par entretenir une relation trop exclusive. En même temps, elle m'engueule, parce que parfois, j'ai peur d'elle, parce que finalement, je tiens à moi.

« Mais tu ne sers à rien ! C'est qui ce truc moche là dans le miroir ? Une machine à digérer, une bête qui bouge, qui s'agite pour des choses qu'elles croit importantes. » Et elle à raison, au fond. Nous ne sommes rien. Absolument rien. On nait, et quelques années après on meurt, en ayant pris soin, toute sa vie, de mener à bien des projets, des envies, et des réflexions, dont il ne restera bientôt qu'un vague souvenir. Nous ne sommes qu'une masse de viande rapidement périmée qui cache sous sa capacité de réflexion et d'élocution sa lente décomposition. La vie c'est merveilleux ! Je les entends déjà, l'amour, l'amitié et le bonheur, le bruit de la pluie sur le toit et les premier mots du bébé... Vous savez qu'il va mourir, lui aussi ?

Si je faisais preuve d'un peu de cohérence, je ne serais déjà plus là. Je me serais ouvert les veines, ou pendue, ou j'aurais pris trop de médicaments ; mais par lâcheté, je ne réussirais sans doute pas. Je me vois appeler les secours à la vue du sang qui gicle. Il faudrait un moyen radical et sûr, comme la chute de plusieurs centaines de mètres ou la balle dans la tête, quelque chose qui, même s'il laisse une fraction de seconde à la réflexion, l'annihile définitivement par la suite. C'est fou d'être si attaché à une vie à laquelle on ne croit même pas. Peut-être que le fait de penser à la possibilité de faire souffrir des gens qui n'ont pas la même vision des choses que moi en me tuant émousse aussi ma motivation. Ça la vexe, la mort, quand j'évoque ce genre de chose « Dans la vie faut faire des choix », qu 'elle me dit. J'ai du mal.

Mais qu'est-ce qui fait qu'on s'attache à la vie ? Pourquoi, alors qu'on sait pertinemment que l'on va tous disparaître, fait-on comme si tous nos actes -qu'ils soient considérés comme bons ou mauvais-avaient une valeur incommensurable ?

Je ne sais pas si j'ai vraiment eu peur de la mort un jour ; c'est comme le père Noël, je ne me souviens pas d'y avoir jamais cru. Je suis toujours en train de mourir en fin de compte. Je passe là, ou ici ; et chaque pas que je fais est un de plus vers la cellule où cette amie discrète mais fidèle se chargera de l'injection létale. Mais ça n'empêche pas la vanité, je ne tiens pas à mourir, mais dans ce cas, il faut tout vivre, et complètement. Mais cette maxime de comptoir ne tient que pour le superficiel. Il y a des choses qui ne se relativisent pas.

Rose Mansion


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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist