Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

lundi 23 mars 2015

Anaïs Bosc-Biern est enfermée dans une enluminure

Que je suis tête en l'air. 

Je suis dans une image. J'haBITE dans cette image. Croyez-le ou non, je suis là, regard en l'air, depuis maintenant presque 600 ans. Pouvez vous le croire ? OUI vous le croyez. OUI vous ME croyez. Je suis moi-même une image. L'image d'un homme à qui il manque un corps. L'image d'un homme qui n'est présent que pour une raison qu'il ne saurait comprendre. 
J'ai tenté de vous parler. Vous et vos yeux qui regardent, vous et vos yeux qui ne sauraient me voir, me voyez-vous maintenant ? Je suis là ! J'ai tenté de m'échapper. Cela fait 600 ans je regarde cette fenêtre, chaque instant, je m'envole en rêve. Je n'ai pas eu la chance d'apparaître à votre époque, celle des images animées auxquelles on donne ce pouvoir, celui de partir. Aussi insignifiant que je puisse être, sans moi, que feraient-ils tous, là, à se battre, à se pourchasser de leurs yeux sombres, tristes, malveillants, figés. Figés nous le sommes tous. 

Acceptez mon invitation. 

Vous êtes là, devant cet homme accroupi, de bleu et de rose, n'est-ce pas ridicule ? Que fait-il ? Il parle italien au ciel, avec sa gestuelle (gestuelle) mais avancez un peu que voyez-vous ? Je crois qu'il va mourir regardez. Ces deux hommes semblent prêts à le battre et l'homme est là, ne se souciant que de grogner ses mots inaudibles à notre cher créateur. A moins qu'il ne s'extasie devant notre si joli cadre fleuri, mais j'en doute. Faites un choix. Quand vous aurez fini peut-être pourriez-vous m'éclaircir sur les raisons qui nous poussent à nous accrocher parfois, à des colonnes, comme cet homme persécuté, dites-moi si je me trompe mais je ne pense pas que ce soit la meilleure solution pour échapper aux coups des soldats qui l'encerclent. J'ai toujours voulu lui dire « mais cours Jean-Mi ! Cours ! Te laisse pas faire, montre-leur ! Fous-y un coup d'rafiot dans les g'noux t'attends quoi ! » Il a dû naître sourd ! le bougre ! quelle tristesse. Enfin c'est toujours mieux que de se faire disséquer par des fous sur une planche de bois. Vous le voyez, celui-là ? Oui bien sûr maintenant vous êtes juste devant ! Eh ben faites quelque chose ! Vous allez continuer à le regarder souffrir, sans rien dire ? Hein ? Je n'entends pas. Ah vous n'avez rien dit ! Haha pardonnez-moi pendant un court instant je me suis dit que les choses avaient changé, en 600 ans. 


Je suis mauvaise langue, je m'ennuie, je connais cette page par cœur, si on pouvait la tourner et moi avec se serait d'un soulagement... Vous n'imaginez pas. Tourner la page. Allez tournez-là ! Tournez-là bon sang ! Vous n'écoutez jamais ? Et bah très bien, nous allons continuer, vous voyez ces bâtiments, au fond ? Ils ont utilisé tellement de teintes pour leur fringues qu'ils n'en ont plus eu pour faire les murs. Ni pour moi d'ailleurs. Je suis couleur mur. Si ça se trouve je suis un mur. Un mur qui parle. Un mur qui veut s'échapper, s'envoler, ah ! ce serait une première. Un mur qui parle, un mur qui vole. Sacré délire. 

Boccace Le Livre des cas des nobles femmes
vers 1465-1470 miniaturiste Colin d'Amiens


Thé sucré et citron vert

Décadence, à genoux
Petites fleurs, peu de pudeur
Occident, inclination réciproque
Isolement, confrontation indirecte
De la faïence, l'argile se dissimule
Parallèles, pas de rapprochements
Un regard, inattendu
Octogone, tu prospères
Ouvertures, fenêtres sur cour
Mouvement, sentiment
Arme blanche, destin tranchant
De la couleur, état euphorique
Déambule, virevolter
Thé sucré et citron vert

Maëly Massereau

Illustration pour la Mantique des oiseaux du poète 'Attar
source : L'art figuratif en islam médiéval Michael Barry


jeudi 12 mars 2015

Maëly Masserau augmente un peu Aron Tamasi



Son cœur battait la chamade, le sang colorait des joues en rose, le souvenir de l'après-midi surgit brusquement, et il sentit qu'il allait le terrasser là, maintenant. Heureusement, il s'appuya contre le mur, et ce toucher froid le rétablit complètement. 
Aron Tamasi


Chaque membre de son corps tremblait tant son esprit était rempli d'émotions. La chaleur ardente de cette nuit hivernale troublait tous ses sens. Son cœur battait la chamade et bousculait ses entrailles. Le sang colorait ses joues en rose et la douceur de son épiderme faisait ressortir la fragilité de ses mains. Elle se retrouva soudain mise à nue, trahie par son regard passionné. Elle était vulnérable, et cette idée l'effrayait. Le souvenir de l'après-midi surgit brusquement, et sa peau frissonna d'amertume. Elle se délectait de la douceur de son corps, et dégustait avec intensité chacun de ses gestes. Il sentit cette tension proliférer dans l'air. Son âme, bien qu’incommensurablement attirante, était aussi vagabonde que ses sentiments. Elle se sentit soudainement terrassée par un frisson de pudeur. Il était assis là, juste à côté d'elle, et il savait maintenant.

Maëly Massereau

mercredi 11 mars 2015

Marie Hareau augmente un peu Aron Tamasi au point qu'on ne sait plus discerner le texte initial du texte ajouté

"Voila les idées qui me torturaient jusqu'au portail. Voilà les idées qui rendaient chacun de mes pas difficiles, qui m’empêchaient d'articuler mes genoux et mes chevilles pour avancer. Voilà les idées qui rendaient mon bras et mon coude douloureux jusqu'à mon poignet et jusqu'à mes doigts que je tentais d'avancer jusqu'à la clanche. Là, cependant, je m'enhardis et j'entrais comme si j'étais entrée à la maison. Ce n'était pas "la maison", du moins ça ne l'était plus. Je n'étais plus une de ses habitante. J'étais une invitée, une visiteur désormais. Une invitée qui doit demander la permission... ou attendre d'être invitée. Attendre ou demander pour entrer dans sa maison. Elle ne l'était plus. Alors, en respectant les convenances, je frappai à la porte puis, souriante j'entrai dans la pièce spacieuse. Il y était à m'attendre le regard tendu. Une gêne emplissait ce salon, qu'à deux, nous avions tant occupé durant ces quatre dernières années, confortablement enlacés sur le canapé bleu où se trouvait aujourd'hui, seul, celui que j'avait tant aimé mais qu'il m'avait fallu quitter."

Tammy Issa augmente elle aussi une phrase énigmatique de Aron Tamasi

Il n'alla ni chez l'un ni chez l'autre car, avant de prendre sa décision, il aperçut une main dessinée, laquelle main montrait de son grand index droit une porte peinte en jaune. 

Il n'avait pas encore décidé chez qui il préférait partir, mais il était convaincu qu'il allait faire son choix une fois qu'il serait sorti de la maison. Il était déjà habillé et bien coiffé lorsqu'il l’aperçut : une main dessinée à la manière de Michel Ange pénétrait dans son salon. Il était tellement ému et fasciné qu'il ne prêta même pas attention à cette porte qui apparemment venait d'être peinte, aucune interrogation, même pas sur le choix de cette couleur. J'étais vraiment choquée de sa réaction, je me suis retournée vers lui pour lui demander qui est-ce qui avait pu faire une telle bêtise mais j'ai hésité. Il était en train d'imiter le geste de cette main comme s'il découvrait pour la première fois ses propres mains. D'ailleurs je n'ai jamais compris sa réaction face à celle-ci. Mais personnellement, c'est la couleur de la porte qui m'intrigue.

Claire Berrebi aussi augmente une courte citation des Etoiles de Transylvanie par Aron Tamasi

L'œil du sphinx

Submergé par les émotions, le corps maladroit, il avançait en s'appuyant sur une branche morte.
Entre les arbres, il voyait beaucoup d'autres choses, toutes propices à lui donner d'utiles pensées. Il
se sentait étouffé au point que son corps lui paraissait privé de coordonnées spatiales et
pratiquement incapable de distanciation.
Explorations microscopiques, troubles visuels et nomades, il observait, tout autour de lui. Mais il
oubliait instantanément. Son esprit était face à des apparitions lumineuses, floues, mouvantes.
Ce genre de pensées il en avait déjà pléthore, elles se bousculaient dans sa tête, pareilles à une foule
d'appelés à la caserne.
L'œil fixe, droit devant lui, semblable à l'œil du sphinx, son lourd masque de pensées le faisait
avancer. C'était elles qui lui mesuraient le chemin et non les bornes kilométriques, inexistantes, car
lorsque sa tête, tel un pommier fertile, croulait sous leur poids, il s'arrêtait tranquillement avec le
bâton sauvage et se disait :
- Tu as assez marché, Löris.

Et tout s'évacuait, il ne pensait plus à rien. L'esprit, la tête légère, la branche flottante, il évoluait.

Un extrait des Etoiles de Transylvanie par Aron Tamasi augmenté en italique par Benoît Villemont

Il voyait beaucoup d'autres choses, toutes propices à lui donner d'utiles pensées. Ce genre de pensées, il en avait déjà pléthore, elles se bousculaient dans sa tête, pareilles à une foule d'appelés à la caserne. C'étaient elles qui lui mesuraient le chemin qui ne l'amènerait sûrement à rien, ou peut-être à quelque chose, un grand arbre, une maison, un bout de monde, mais en tout cas quelque chose d'inquiétant, caché dans l'ombre et sous les doigts sombres d'une forêt remplissant le ciel couche par couche en fabriquant de la dentelle aussi nerveuse que la toile d'une araignée de foudre qui aurait travaillé tout un jour sans relâches et aussi vite que la lumière, en prenant comme appuis de sa construction les étagères des nuages et les abat-jours des étoiles dans le but d'assouvir ses désirs de prédatrice et enfouir toujours plus loin le souvenir de cette nuit toute naturelle où elle assassina son partenaire sous 3 coups de mandibules grossièrement pointues à la manière des pic-choux de son grand-père ; et non les bornes kilométriques, car, lorsque sa tête, tel un pommier fertile, croulait sous leurs poids, il s'arrêtait tranquillement avec le bâton sauvage et se disait : 
- Tu as assez marché, Lőric.

lundi 19 janvier 2015

Elise André parle du paquebot France de 1913

- Plaisir de décrire -
L'extérieur et tout l'intérieur de ce grand corps
Ce grand corps allongé & puissant
A la ligne élégante et souple
Dont la force a je ne sais quelle grâce
Formidable et subtile.
Dédale des sens,
Dont l'idée seule suffit à donner le vertige
Perfectionné, beau et raffiné
Se laisser entraîner à parler du charme
où se mêle le spleen du mouvement de la mer
L'espoir des aventures,
La nostalgie des rivages abandonnés
Sur quelque palais des Mille et Une Nuits glissant sur les flots.

mercredi 14 janvier 2015

Hiver 1915


Je suis dans la salle à manger des enfants, dans ce grand corps élégant et puissant : le paquebot « France ». Le luxe et le style de ses aménagements lui valent le surnom de « Versailles des Mers ». Le paquebot incarne modernité et présente de nombreuses innovations technologiques. Ce qu’il y a de particulier dans ce paquebot, c’est le temps figé. Un temps comme arrêté par le spleen de la mer, un temps de rêveries sans fin. Les mots, faits et gestes, sont en fait totalement bouleversés, nous ne savons plus "quand" nous sommes. Comme dans un labyrinthe, la difficulté est de se retrouver.

Dans cette salle à manger, un enfant est endormi, son assiette encore pleine de sauce aux champignons, de viande froide, il est le seul assis sur sa chaise en osier 1er classe, la tête à peine sur la table, retenue par ses jeunes mains. On entend la mer. Pas de fenêtre, des tables bien lustrées, des chaises en osier raffinées, une lumière très douce. On entend la mer. Mais vers quel nouvel horizon allons nous arriver ? Cela n’a pas trop d’importance, à première vue, ici, les voyageurs sont terriblement silencieux, le moindre mot chuchoté dans un couloir, dans un salon, s’entend à plusieurs mètres. Ici, la discrétion est terrifiante. 

Leïla Grandin

Passible Géant


Ma physionomie improbable, décimétrique, rocambolesque a tendance à faire fuir le regard. 
Et pour cause, mon œil droit s’échappe vers un infini qui m’échappe.
Parfois lorsque le regard d’une belle, insulté par mon apparence, me rabaisse, je me rassure doucement. Je me dis alors que cette coquette maladresse, dont le destin a voulu affubler mon profil, me procure une certaine ivresse.

De là où je suis, les gens sont différents, pas étranges, mais dissonants. La mélodie qu’ils font réunis ne forme aucune cacophonie.
Au contraire, leurs mouvements forment une orchestration des plus intéressante. 

De là où je suis, les couleurs sont pastel. La lumière est claire. Cela donne l’impression que la matière est éclairée à revers.  Cela ne veut pas dire que les couleurs sont agressives au contraire, elles sont ternes.  Le bleu usé arrive par petites touches apeurées et le jaune délavé cingle le pauvre gris pommelé.

De là où je suis, l’espace a l’air de se craqueler. De longue et de petites écailles cernées de blanc se chevauchent, se côtoient. Leur organisation m’échappe.  Comme la destination finale de mon œil droit.

Peut-être cherche-t-il la suite de ce paysage ?

Koré Préaud

Archives du blog

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist