Un groupe de personnes qui se réunissent un jeudi sur deux pour écrire

mercredi 14 janvier 2015

Hiver 1915


Je suis dans la salle à manger des enfants, dans ce grand corps élégant et puissant : le paquebot « France ». Le luxe et le style de ses aménagements lui valent le surnom de « Versailles des Mers ». Le paquebot incarne modernité et présente de nombreuses innovations technologiques. Ce qu’il y a de particulier dans ce paquebot, c’est le temps figé. Un temps comme arrêté par le spleen de la mer, un temps de rêveries sans fin. Les mots, faits et gestes, sont en fait totalement bouleversés, nous ne savons plus "quand" nous sommes. Comme dans un labyrinthe, la difficulté est de se retrouver.

Dans cette salle à manger, un enfant est endormi, son assiette encore pleine de sauce aux champignons, de viande froide, il est le seul assis sur sa chaise en osier 1er classe, la tête à peine sur la table, retenue par ses jeunes mains. On entend la mer. Pas de fenêtre, des tables bien lustrées, des chaises en osier raffinées, une lumière très douce. On entend la mer. Mais vers quel nouvel horizon allons nous arriver ? Cela n’a pas trop d’importance, à première vue, ici, les voyageurs sont terriblement silencieux, le moindre mot chuchoté dans un couloir, dans un salon, s’entend à plusieurs mètres. Ici, la discrétion est terrifiante. 

Leïla Grandin

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Perspectiviste acharné depuis 1995 /unremitting perspectivist